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«Nile Rodgers et la pétanque», par Julien Delafontaine & Fabien Eckert

À quoi ressemble une journée de rêve à Montreux? Nous avons posé la question aux journalistes qui vous relatent les concerts et les coulisses du MJF chaque été ! Retrouvez leurs récits, réels ou fantasmés, du 3 au 18 juillet sur notre site.

Claude Nobs nous a accueillis régulièrement dans son chalet à Caux. Et chez-lui, il s’en est passé des choses. Du gros câlin de Paolo Nutini à la prestigieuse et normalement intouchable Coupe de l’America, au concert improvisé de Roger Hodgson sur le piano de Freddie Mercury, ce ne sont pas les anecdotes amusantes ou rencontres touchantes qui manquent. La plus marquante remonte sans doute à 2012, un 12 juillet. Ce jour-là, nous sommes la veille d’un feu d’artifice musical intitulé Freak Out au Stravinski avec pour maîtres de cérémonie Mark Ronson et Nile Rodgers. Nous avons rendez-vous avec ce dernier pour évoquer sa soirée hommage à l’histoire de la dance music à travers le disco, le funk ou la house.

«Derrière nous, Nile Rodgers nous regardait comme si nous étions des extraterrestres. Il n’avait jamais vu quelqu’un jouer à la pétanque, ni même entendu parler de ce sport.»

L’interview avec le fondateur de Chic et auteur d’un nombre incalculable de tubes était prévue pour la fin de l’après-midi. La star américaine était en retard, très en retard. «Allez faire une pétanque, il va arriver», nous a invité Funky Claude. Le terrain était libre et la bière, à défaut de pastis, était fraîche. Ni une, ni deux, nous nous sommes mis à lancer quelques boules, jusqu’à ce qu’un «Qu’est-ce que vous faites?» interrompe un prometteur lancer de cochonnet. Derrière nous, Nile Rodgers nous regardait comme si nous étions des extraterrestres. Il n’avait jamais vu quelqu’un jouer à la pétanque, ni même entendu parler de ce sport. On ne pouvait pas manquer l’occasion de lui offrir une rapide initiation. Ce qu’il accepta avec grand intérêt, à notre plus grand étonnement. S’en est suivi une discussion joviale autour de l’histoire de la pétanque, un pan de la culture française. «C’est rigolo et les règles sont si simples. J’adore! Je suis pourtant souvent allé dans la région de St-Tropez, comment est-ce possible que je n’ai pas découvert cela plus tôt?». Après plusieurs minutes de rigolade, de boules pointées et tirées, parfois d’ailleurs excellentes, un attaché de presse du Festival nous a gentiment rappelé qu’être journalistes de terrain n’était pas un job facile tous les jours. «Monsieur Rodgers a un agenda chargé à tenir. Pourriez-vous commencer votre interview, s’il vous plaît?».

«Mis en confiance par cet échange bon enfant, nous l’avons lancé sur une rumeur qui faisait alors à cette époque un gros buzz: “Il se murmure que vous travaillez actuellement avec Daft Punk. Vous confirmez?”.»

C’est un peu à l’écart des invités, sur l’une des nombreuses terrasses du chalet, que nous nous sommes mis à travailler. Nile, emballé par sa première pétanque, était rayonnant. Ce monument de la musique nous alors a raconté pourquoi la soirée Freak Out comptait autant pour lui tout en se montrant affable, souriant et drôle. Mis en confiance par cet échange bon enfant, nous l’avons lancé sur une rumeur qui faisait alors à cette époque un gros buzz: «Il se murmure que vous travaillez actuellement avec Daft Punk. Vous confirmez?». Pétanque ou pas pétanque, nous n’avons pas eu le scoop. Son visage s’est subitement refermé. Il nous a regardé, a posé un doigt sur sa bouche et nous a fait un clin d’œil: «Je suis en contact avec eux, mais je ne peux rien dire de plus concernant notre travail ensemble». Huit mois plus tard sortait l’immense «Get Lucky» de Daft Punk en collaboration avec Nile Rodgers. Un énième tube, couronné de deux Grammies, à rajouter à la géniale discographie de ce producteur américain qui a découvert la pétanque à Caux.

Julien Delafontaine & Fabien Eckert, 20 minutes