C’est avec une grande émotion que nous rendons aujourd’hui hommage à René Langel, co-fondateur du Montreux Jazz Festival en 1967. Amoureux des mots et des notes bleues, il en a joué avec une passion infinie durant toute sa vie de journaliste, critique de jazz, essayiste et musicien.
« On fait des petites choses sans savoir qu’elles deviendront historiques ». Ainsi se confiait René Langel, à l’occasion de la sortie en vinyle du concert de Charles Lloyd – enregistré lors de la toute première édition du Festival, celle-là même qu’il a fait naître avec ses amis Claude Nobs et Géo Voumard.
Ces petites choses devenues historiques, René les a contées comme il savait si bien le faire dans un court texte que nous vous laissons découvrir ci-dessous.
Les pensées de toute l’équipe du Montreux Jazz Festival accompagnent les proches de René et sa famille.
Les débuts du Montreux Jazz Festival, par René Langel
« Juillet 1967, je calcinais sous le soleil de Juan-les-Pins, allongé sur la plage du Grand Hôtel quand une ombre d’oiseau de proie vint interrompre ma rêverie. C’était un jeune homme très poli, mais à ce moment bien exalté, qui se présenta ainsi :
- « Je m’appelle Claude Nobs, je travaille à l’Office du tourisme de Montreux. J’ai vu le concert extraordinaire du quartette de Charles Lloyd hier soir et j’ai pensé à ça toute la nuit : mon idée est de faire venir ce groupe en Suisse l’an prochain, de créer un Festival de Jazz à Montreux et j’aimerais profiter de vos conseils, vous sachant très introduit dans le monde du jazz par votre métier de journaliste et de critique ! »
L’idée tombait certes du ciel mais ne pouvait que séduire. On eut une petite discussion passionnée ce jour-là mais c’est à notre retour en Suisse que les choses, loin de s’estomper, s’emballèrent sérieusement. Encore fallait-il trouver une manière de lancement à la fois originale et peu coûteuse car le budget accordé par l’Office se limitait à dix mille francs suisses de l’époque ! Deux voies nous étaient ouvertes : solliciter le soutien des marques de disque ou, en s’inspirant du lancement à Antibes du Festival de Juan-les-Pins en 1960, créer une aspiration de jeunes talents à travers un concours, international cela va sans dire.
Je savais que mon ami Géo Voumard, responsable des Variétés à la Radio Suisse Romande, était membre du comité de l’UER, l’Union Européenne de radiodiffusion, et pouvait à ce titre trouver une bonne idée et nous apporter peut-être un soutien. Nous nous retrouvâmes ainsi à trois pour ficeler ce projet qui, grâce à l’entregent de Géo, prit la forme d’un concours national au sein des pays membres, aboutissant à l’envoi des lauréats de chaque compétition nationale à Montreux. Ainsi, la subvention servirait au seul cachet du quartette de Charles Lloyd, celui-là même que Claude Nobs avait entendu à Juan-les-Pins et qu’il voulait à tout prix engager comme ensemble-vedette.
Ainsi fut fait et, grâce aux collègues et amis journalistes contactés à Juan et à la presse locale, la première édition du Festival de Jazz de Montreux connut un succès médiatique retentissant. Avec les années, la boule de neige allait tourner en avalanche… »
René Langel, août 2019